Va-t-on bientôt travailler jusqu’à 65 ans ?

Suite à la présentation du programme du président-candidat Emmanuel Macron, que peut-on retenir du projet de la majorité au sujet de la réforme des retraites ? Quel serait l’impact financier de ce projet de réforme ? Y-a-t’il une vraie urgence économique pour financer les retraites ?

Emmanuel Grimaud, président-fondateur de Maximis, vous livre son analyse à l’aube de l’élection présidentielle.

Cette réforme sera-t-elle moins chamboule-tout ?

“La réforme Delevoye en 2017 était chamboule-tout, car c’était un projet de réforme systémique qui changeait significativement le mode de fonctionnement. Exit, le sujet des trimestres et du nombre d’annuités, on étendait le modèle Arrco-Agirc à l’ensemble des différents régimes. Mais ça a été très anxiogène, car le système actuel est très compliqué donc très mal compris; beaucoup ont compris que l’on avait à y perdre. Alors qu’en réalité, dans la réforme de 2017, toutes les personnes avec des carrières incomplètes, atypiques, hachées (comme les femmes) étaient les grandes bénéficiaires de cette réforme. “

“Là, on repasse sur une réforme “paramétrique”. Une chose est sûre, il faut travailler plus longtemps. Et ça on le sait depuis 30 ans en raison de l’allongement de l’espérance de vie, car il y a de moins en moins d’actifs pour de plus en plus de retraités, parce qu’on est aujourd’hui en meilleure forme à 60 ans qu’on l’était il y a 20 ans ou 40 ans. Donc oui il faut travailler plus longtemps.”

“Deux possibilités se présentent. La première convient d’augmenter le nombre de trimestres, la deuxième option, comme avec la réforme Woerth de 2010, est de changer l’âge légal de départ à la retraite avec le passage de 60 ans à 62 ans (sauf carrières longues). On est passé d’une réforme assez complexe à comprendre, assez complexe à mettre en oeuvre, qui avait le mérite d’aller vers un système universel vers lequel on ira tôt ou tard (et qui serait une bonne chose à mon avis), à quelque chose de plus traditionnel qui est d’augmenter le nombre de trimestres. Cette option d’augmenter les trimestres me semble plus juste et simple à mettre en œuvre qu’un recul de l’âge légal avec des dizaines d’exceptions pour les carrières longues. A voir comment cela va être arbitré dans les semaines à venir, et les concertations entre les partenaires sociaux et à l’Assemblée.”

Les propositions d’Emmanuel Macron sont-elles une première étape avant la mise en place du régime universel des retraites ?

“La réforme de 2017 avait le mérite de résoudre assez rapidement toutes les injustices qui sont faites par un système mis en place il y a 70 ans. Le monde a changé en 70 ans. Aujourd’hui, les nouvelles générations veulent aussi travailler différemment : s’arrêter, prendre des pauses, avoir plusieurs employeurs, et c’est normal. Plus de la moitié des gens qui arrivent à la retraite sont des poly-pensionnés, qui ont cotisé à plusieurs régimes.”

Emmanuel Macron prévoit de prendre en compte les capacités de carrière longue ou de pénibilité. Il y a encore plein d’exceptions dans cette réforme ?

“Depuis 2003, il y a la possibilité de partir en carrière longue pour les gens qui avaient commencé de travailler à 14 ans (aujourd’hui à 16 ans). Grosso modo on a des carrières longues qui peuvent partir à 60 ans. Aller jusqu’à 65 ans : que va-t-on faire pour les personnes qui ont commencé à travailler à 16, 17 ans comme apprenti, boulanger, etc… surtout qu’il y a les sujets liés à l’espérance de vie.”

“L’une des raisons possibles serait de dire que si l’on veut financer des petites retraites plus élevées : pour passer à 1100 € cela coûte 2 à 3 milliards. Un financement rendu possible par le fait de faire travailler tout le monde plus longtemps. Une chose que personne ne sait : en changeant l’âge légal de 60 à 62 ans, les retraites ont augmenté de 10% en moyenne. Ce qui est logique car vous travaillez 2 ans de plus, vous avez des trimestres en plus et deux années de points Agirc-Arrco en plus. Si demain, on doit travailler jusqu’à 65 ans, cela augmentera significativement le montant des retraites.”

Cette réforme avec celle de l’assurance chômage vont permettre d’économiser 15 milliards d’euros. Ce sont vos chiffres ?

“Pour moi c’est beaucoup plus. On parle d’une économie de 12 milliards d’euros pour les retraites. Mais c’est 12 milliards sur la Cnav ! Entre 2010 et 2017, la Cnav a économisé 12 milliards grâce au décalage de deux ans. Donc si on décale de 3 ans, on sera à 12 milliards mais il y aura aussi des économies à l’Arrco-Agirc et dans les autres régimes de retraite.”