#5Décembre : les revendications des régimes spéciaux

vendredi 6 décembre 2019

Comment peut-on expliquer le vaste mouvement social contre la réforme des retraites ?

Les enjeux de la réforme des régimes spéciaux sont multiples et complexes, d'autant plus qu'ils ne représentent qu'une partie mineure de l'ensemble du projet de réforme des retraites proposé par Jean-Paul Delevoye.

Initiée par les syndicats des régimes spéciaux et des enseignants, la mobilisation interprofessionnelle du 5 décembre a rassemblé plus de 800 000 personnes contre la réforme des retraites.

Parmi ces manifestants figuraient les agents de la RATP et de la SNCF.

Quelles sont leurs revendications ? 


Pourquoi les régimes spéciaux sont dans le viseur de la réforme 


Le rapport Delevoye précise les enjeux de la réforme. Ce rapport envisage la création d'un système universel à points dans lequel tous les actifs seraient soumis au même régime de retraite. Le projet Delevoye indique qu'un "euro cotisé doit donner les mêmes droits pour tous". Selon les spécialistes, le but de cette réforme est de transformer le système complexe des 42 régimes de retraite en un régime universel plus simple, plus lisible et plus juste.

La réforme des retraites devrait donc apporter plus de justice au système des retraites françaises.
Les régimes spéciaux, dont les régimes de retraites de la RATP et la SNCF qui profitent d'avantages historiques, sont donc dans le viseur du gouvernement. 


Pourquoi ? Quels sont les avantages des régimes spéciaux ?


La question démographique

Pour maintenir l'équilibre financier d'un système de retraite, les régimes doivent présenter plus de cotisants que de retraités : le but étant que les premiers financent la retraite des seconds. 

Au total, selon la Cour des Comptes et le Ministère de l'Économie, les régimes spéciaux présentent 490 000 actifs pour plus de 960 000 retraités. 
Les régimes spéciaux coûtent donc cher à l'État et aux contribuables qui comblent le trou de financement des retraites de ces régimes spéciaux.

Les contribuables financent donc directement les retraites des agents RATP / SNCF; plus généreuses que la moyenne de l'ensemble des actifs français.


Dans le détail : 

RATP : 42 483 agents cotisent pour 44 316 agents à la retraite en 2018

SNCF : 152 678 agents cotisent pour 270 433 agents à la retraite en 2018

Le déficit des régimes spéciaux coûte près de 5 milliards d'euros à l'État.


Âges de départ, et montant des pensions : des inégalités importantes

D'après les derniers chiffres de la Cour des Comptes, à carrière complète, les assurés qui sont partis à la retraite en 2017, ont connu une pension moyenne brute de :

  • 3 705 € / mois à la RATP pour un âge moyen de départ de 55,7 ans

  • 3 592 € / mois aux IEG pour un âge moyen de départ de 57,7 ans

  • 2 636 € / mois à la SNCF pour un âge moyen de départ de 56,9 ans

  • 2 206 € / mois pour la fonction publique d'État pour un âge moyen de départ de 61,3 ans

  • Entre 1 260 € et 1 410 € / mois pour les salariés du privé pour un âge moyen de départ à 63 ans

    Source : Cour des Comptes 


Les chiffres de la Cour des comptes démontrent une certaine inégalité entre les salariés du privé et les assurés des régimes spéciaux. 
Les assurés des régimes spéciaux profitent même d'un âge de départ et d'une pension moyenne brute bien supérieure à un autre régime, à priori avantagé à la retraite : les fonctionnaires. Ces derniers compensent des évolutions de salaire faibles par un mode de calcul avantageux de la retraite. Contrairement à la retraite des salariés du privé qui est calculée sur les 25 meilleures années, celle des fonctionnaires est calculée sur les 6 derniers mois. Malgré cette condition, les fonctionnaires sont loin de bénéficier des mêmes avantages que les agents de la RATP / SNCF.

Le projet de réforme porté par l'exécutif a notamment pour but de réduire les écarts de pensions importants entre les différents régimes de retraite. 


"Un régime d'un autre temps"

L'autre argument avancé contre les régimes spéciaux est que les avantages acquis ne correspondent plus aux réalités du monde d'aujourd'hui.
Et pour cause, l'espérance de vie à 60 ans des conducteurs de train est aujourd'hui proche de celle des salariés du privé : soit 22.5 ans.


"Ces régimes ont eu toute légitimité à leur naissance et pendant longtemps. Ils sont aujourd'hui une insulte au principe d'égalité. [ ... ] Chaque année, le régime spécial des cheminots, gravement déficitaire, coûte plus de 3 milliards d'euros à la collectivité. [ ... ] Les syndicalistes de la CGT, de Sud Rail et les députés de la France Insoumise peuvent toujours évoquer des conditions de travail pénibles des cheminots comme les horaires décalés ou le travail de nuit, les chiffres rappellent la réalité : 140 000 cotisants à la SNCF pour 260 000 retraités. 

Le train, véritable élixir de longue vie, maintient en forme et en bonne santé ! L'épopée du chemin de fer à vapeur est derrière nous. Le conducteur de train, fort heureusement, ne meurt plus en moyenne à 52 ans."

Pascal Perri - Retraites : la dernière chance


Suppression des régimes spéciaux : les points de tension


Pourquoi la RATP et la SNCF se mobilisent aussi fermement contre la réforme des retraites ?

Les arguments des syndicats contre la réforme :

  • Ne pas toucher à des avantages qui sont le fruit de l'histoire de la société française.
    Les agents RATP / SNCF sont fortement attachés à l'histoire sociale de leur régime. 

  •  Des conditions de travail toujours pénibles
    "On m'a expliqué les contreparties dans mon contrat de travail. On m'a dit : "tu vas travailler le week-end", "tu ne seras pas là pour les anniversaires des enfants, tu seras au travail", "le jour de l'An, tu seras au travail", "tu vas travailler le jour, l'après-midi, la nuit, en décalé ... mais tu partiras plus tôt". Et là on veut me rajouter 7 ans !"
    Réaction d'un agent RATP au projet de réforme Delevoye (video ci-dessous)

  • La possibilité d'appliquer la réforme aux assurés actuels
    Pour les agents RATP / SNCF proches de la retraite (pour celles et ceux ayant plus de 40 ans), l'annonce de la suppression des régimes spéciaux avec le projet de réforme, peut être vécue comme une rupture du contrat social.

    Pour les assurés de ces régimes, la perte de ces avantages historiques justifie leurs inquiétudes vis-à-vis de la réforme, qui serait ainsi considérée ou perçue comme injuste.

    Se dirige-t-on vers une application de la clause de grand-père ?
    Compte tenu du climat social actuel, et l'intense mobilisation de ces régimes spéciaux, appliquer la réforme uniquement aux nouveaux entrants sur le marché du travail semble être une alternative plus acceptable ou plus juste pour ces assurés. 


Crédits video : J. Bigard, T. Curtet, M. Birden
Rédaction de France Télévisions
Extrait du JT 20h du Mercredi 4 Décembre 2019

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